Alice Rahon

Alice Rahon est née le 8 juin 1904 à Chenecey-Buillon, un petit village du Doubs en France. Elle grandit à Paris, un foyer vibrant d’art et de créativité qui façonnera sa sensibilité artistique. En 1931, elle fait la rencontre déterminante du peintre autrichien Wolfgang Paalen, une connexion qui marquera le début de sa plongée dans le mouvement surréaliste. Ils se marient en 1934 et deviennent des figures actives au sein des groupes surréalistes. Rahon publie son premier recueil de poèmes, 'À même la terre', en 1936, qui reçoit un accueil positif dans le milieu littéraire. En 1938, son recueil suivant, 'Sablier couché', est agrémenté d'une gravure de Joan Miró, indiquant les réseaux qu'elle tisse au sein du surréalisme. En 1939, avec Paalen, elle immigre au Mexique, fuyant la montée des tensions en Europe. À Mexico, ils rencontrent des figures emblématiques telles que Frida Kahlo et Diego Rivera et participent à des activités surréalistes. Les années 1940 marquent un tournant, car Rahon arrête d'écrire pour se consacrer entièrement à la peinture. Elle adopte alors son nom de naissance, Alice Rahon. Malgré des efforts pour exposer son artwork, elle reste longtemps dans l'ombre par rapport à ses contemporains masculins. Elle se remarie en 1946 avec Edward Fitzgerald et, ensemble, ils explorent des projets cinématographiques, notamment un court-métrage de marionnettes en 1947 intitulé 'Le Magicien'. Les années 1950 voient un regain d'intérêt pour son travail, mais après une exposition personnelle à Paris en 1956, son art ne suscite guère d’attention. Elle se retire progressivement de la vie artistique dans les années 1970 et meurt en 1987 à Mexico, laissant derrière elle une œuvre à redécouvrir et un héritage surréaliste riche. Son dernier recueil de poésie, 'Au pays de Paalen', est publié en 1960 et témoigne de son double parcours d’artiste et de poétesse, avec une voix unique au sein du récit surréaliste.

L'œuvre d'Alice Rahon se distingue par son allégeance au surréalisme, tout en intégrant des éléments de son expérience personnelle et de ses voyages. Ses toiles sont souvent non figuratives, jouant avec les formes, les couleurs, et les traits spontanés pour évoquer une univers émotionnel intense. Les thèmes de la nature, du mysticisme et des symboles mythologiques et personnels sont omniprésents dans son travail. Les années 1940 à 1950 montrent un intérêt croissant pour la représentation des animaux et des paysages, ancrés dans une représentation profondément intuitive. Les influences amérindiennes qu'elle a observées lors de son émigration au Mexique se ressentent dans ses motifs, reflétant une admiration pour la richesse de la culture indigène. Son utilisation de la couleur est souvent vibrante et expressive, intégrant des éléments graphiques, tels que le collage et les empreintes, ce qui souligne une approche expérimentale. Les titres de ses œuvres sont souvent poétiques et invitent à l’interprétation, tout en donnant une résonance particulière aux compositions visuelles. Le passage de la poésie à la peinture enrichit son travail, créant une synergie entre ses deux pratiques artistiques qui se répondent mutuellement et révèlent son désir d’explorer les thèmes de l'identité et de l'inconscient.

Alice Rahon est souvent une figure moins connue du surréalisme, en raison de la domination souvent masculine de ce mouvement. Cependant, son œuvre mérite une reconnaissance importante pour sa contribution unique à ce courant artistique. Bien qu’elle ait côtoyé des figures comme André Breton, son travail se distingue par une sensibilité plus intime et une exploration personnelle de la psyché humaine. Son héritage se manifeste aujourd'hui dans la réévaluation des artistes féminines au sein du surréalisme, apportant un éclairage nouveau sur les contributions féminines à l'art moderne. La rétrospective de 1986 à Mexico, ainsi que celle de 2009, témoigne de la redécouverte de son œuvre. Elle fait partie des artistes qui ont frayé le chemin pour une réévaluation des femmes artistes, allant au-delà des rapportages traditionnels du courant surréaliste. Son approche multidisciplinaire, combinant poésie, peinture et cinéma, illustre l’interconnexion des arts et leur potentiel libérateur. Un certain nombre d’expositions contemporaines lui rendent hommage, et plusieurs publications étudient son parcours, redéfinissant ainsi son statut d'artiste,”,