Emil Filla

Emil Filla est né le 4 avril 1882 à Chropyně, en Moravie, et a grandi à Brno avant de s'installer à Prague. Après une formation à l'Académie des beaux-arts de Prague, où il est influencé par des artistes tels que Franz Thiele et Vlaho Bukovac, il commence à explorer diverses tendances artistiques. Dans les années 1900, il s'associe au groupe Osma, qui présente un style exprimé fortement. En 1911, il découvre le cubisme à Paris, rencontrant des figures marquantes comme Georges Braque et Pablo Picasso. Ses œuvres de cette période, comme "Salomé" et "Baigneuses", illustrent ses efforts pour intégrer cette nouvelle esthétique. Filla est également un ardent défenseur du cubisme en Tchécoslovaquie, fondant le Skupina výtvarných umělců (Groupe des artistes visuels) après avoir quitté le Cercle artistique Mánes en raison de divergences créatives. Son engagement artistique est interrompu par la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il est emprisonné dans des camps de concentration comme Dachau et Buchenwald. Après la guerre, il reprend sa carrière d'enseignant et de praticien, influençant plusieurs générations d'artistes. Emil Filla meurt le 7 octobre 1953 à Prague et est enterré au cimetière de Střešovice.

L'œuvre d'Emil Filla est marquée par une évolution stylistique significative, se déplaçant d'un début post-impressionniste vers un cubisme profondément personnel. Il s'est d'abord intéressé aux formes expressives et aux vies intérieures des sujets, une tendance décrite dans des œuvres comme "Lecteur de Dostoïevski" et "Joueurs d'échecs". L'influence du fauvisme et de l'expressionnisme allemand est également visible dans ses travaux des débuts. Avec l'exploration du cubisme, son style se transforme, se concentrant sur la déconstruction des formes naturelles en géométries dynamiques. Ses natures mortes et portraits, tels que "Femme au tapis", démontrent une netté de lignes et un jeu entre ombre et lumière, saturant les compositions de couleurs audacieuses. Filla intègre également des éléments de la peinture hollandaise classique, ce qui témoigne de son éclectisme en tant qu'artiste. Vers la fin de sa carrière, son travail est aussi influencé par le surréalisme, bien qu'il n'ait jamais abandonné ses racines cubistes. Son art laisse transparaître des préoccupations sociales et politiques, en particulier dans ses œuvres d'après-guerre, qui explorent des thèmes de lutte, de violence et de rédemption.

Emil Filla a joué un rôle crucial dans l'introduction et l'affirmation du cubisme en Tchécoslovaquie. Sa capacité à traduire les principes cubistes en un langage visuel propre lui a permis d'influencer non seulement ses confrères contemporains, mais aussi ceux des générations futures. En tant qu'enseignant à l'École des arts appliqués de Prague, il a formé de nombreux artistes tchécoslovaques, cimentant son influence sur le développement de l'art moderne dans la région. Le style cubiste a perduré à travers divers artistes qui ont été ses élèves, notamment Milos Reindl. En 1945, Filla devient le premier artiste à bénéficier d'une exposition d'après-guerre à la galerie Mánes, marquant ainsi le retour de l'art moderne sur la scène artistique tchèque après les horreurs de la guerre. Ses contributions ne se limitent pas à la peinture, mais s'étendent également à la théorie de l'art, à l'édition et à son rôle de commissaire d'exposition, mettant en avant le potentiel de l'art moderne dans un contexte social et politique. Sa reconnaissance est soulignée par la distinction qu'il reçoit en 1998, Commandeur de l'ordre de Tomáš Garrigue Masaryk, une reconnaissance officielle de son impact sur l'art et la culture en Tchécoslovaquie.

Au cours de sa carrière, Emil Filla a été impliqué dans plusieurs expositions notables qui ont marqué l'histoire de l'art tchèque. Parmi celles-ci, l'exposition de 1911 à Paris où il présente ses premières œuvres cubistes, mettant en lumière son interaction avec des figures emblématiques du cubisme. En 1925, il conçoit des peintures sur verre pour le pavillon tchécoslovaque à l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris, ce qui élève sa réputation à l'international. Après la guerre, sa première exposition majeure à la galerie Mánes en 1945 marque un tournant dans son parcours, lui permettant de redéfinir son langage artistique dans le contexte d'un pays ravagé par la guerre. Plusieurs expositions posthumes ont également été organisées, mettant en avant son œuvre et son héritage, comme celle coordonnée par Vojtěch Lahoda en 2007, qui a permis de redécouvrir l'importance de Filla dans le contexte de l'art moderne européen. Des expositions contemporaines continuent d'explorer son travail, renforçant ainsi sa place dans l'histoire de l'art en tant que leader du cubisme tchécoslovaque.