Guo Xi

Guo Xi (郭熙), né vers 1020 dans le xian de Wen, province du Henan, et mort vers 1090 à Kaifeng, est l'un des peintres les plus éminents de la dynastie Song du Nord. Frère de Guo Si, il est souvent qualifié par son prénom social, Shunfu. Sa carrière prend un tournant décisif lorsqu'il est introduit à la cour de l'empereur Shenzong (règne 1067-1085), où il devient peintre officiel. Rapidement reconnu pour son talent, il est nommé membre de l'Académie Hanlin, une institution prestigieuse qui réunit les lettrés et les artistes au service de l'empereur. Le règne de Shenzong est marqué par des réformes culturelles et artistiques, et Guo Xi s'inscrit pleinement dans ce mouvement. Ses paysages sont connus pour leurs représentations de montagnes majestueuses et de forêts luxuriantes, où les détails minutieux des pins aux formes caractéristiques (appelés « en pinces de crabe ») sont omniprésents. Son œuvre la plus célèbre est le rouleau vertical intitulé "Début de printemps" (春之初) daté de 1072, qui est l'une des rares toiles signées et datées de son propre poignet. Guo Xi a également contribué à la littérature sur l'art en rédigeant le "Linquan Gaozhi" (高致鉴), un traité fondamental sur la peinture de paysage. Parallèlement à sa carrière artistique, il est reconnu comme écrivain, renforçant sa position dans les cercles littéraires de son temps. Après la mort de Shenzong, cependant, Guo Xi connaît une période de désaffection, en raison du renouveau des pratiques traditionnelles sous l'empereur Huizong, que son œuvre ne cadre plus. À sa mort, ses peintures sont largement abandonnées, mais son influence perdure au fil des siècles, notamment dans l'art de l'Académie impériale et chez les peintres des dynasties Yuan et Ming.

L'œuvre de Guo Xi est emblématique de la peinture de paysage chinoise de la dynastie Song. Ses peintures se distinguent par une représentation riche et nuancée des paysages, articulant un souci de l'espace, de la profondeur, et de l'atmosphère. Guo Xi utilise des techniques de lavis d'encre pour créer des effets de perspective atmosphérique, où les couleurs se dégradent subtilement en fonction des distances. Sa méthodologie de composition repose sur une structure en trois plans : un premier plan chargé de détails, un plan intermédiaire et des montagnes en arrière-plan, suivant une tradition établie mais enrichie par une sensibilité personnelle. Il s'inspire de motifs classiques tout en les réinterprétant, alléguant par exemple que ses paysages évoquent aussi un temps d'éveil et de renaissance, reflet des réformes politiques de son époque. Sa manière de peindre les rochers et les montagnes, notamment par des « rides en nuages enroulés » (juan yun can), témoigne d'une attention méticuleuse aux textures et aux formes, imitant la nature tout en créant des compositions dynamiques. Le traitement expressif des arbres, caractérisés par leurs branches tortueuses et leur vitalité, crée une esthétique à la fois délicate et robuste, alimentant un dialogue entre l'homme et la nature, un thème récurrent dans la pensée taoïste. Guo Xi ne se contente pas d’un réalisme de surface : il cherche à saisir l'« énergie » (qi) qui imprègne les paysages, symbolisant ainsi les forces de la nature et l'ordre cosmique qui régit le monde.

L'impact de Guo Xi sur la peinture chinoise est indéniable. Il est souvent joint à Li Cheng pour former ce qu'on appelle l'École Li-Guo, une tradition de peinture de paysage reconnue et promue par l'empereur Shenzong. L'école Li-Guo a établi un canon de la peinture de paysage, apprécié pendant des siècles dans les cercles académiques et parmi les lettrés. Son influence s'étend au-delà de la dynastie Song dans les siècles suivants. Au cours des dynasties Yuan et Ming, des artistes comme Bi Hong et Zhang Cao s'inspirent de ses techniques et de sa vision. En outre, le traité "Linquan Gaozhi" reste une référence clé pour les peintres ultérieurs, fournissant des lignes directrices sur la méthode de peinture et l'appréciation des paysages. Les préoccupations esthétiques de Guo Xi concernant le lien entre l'homme et la nature ont également résonné avec les idéaux taoïstes, positionnant son travail à l'intersection de la philosophie et de l'art. Cependant, son influence ne s'arrête pas là ; même au XVIIe siècle, Shitao, qui prône une approche plus personnelle et libre de l'art, se réfère à Guo Xi comme un modèle de la technique, marquant ainsi un mouvement d'oscillation entre tradition et innovation. L'héritage de Guo Xi est également palpable dans la manière dont les peintres contemporains et modernes continuent d'explorer les thèmes de l'harmonie entre l'homme et la nature, renforçant l'idée que son art transcende le temps et demeure pertinent.

Les œuvres de Guo Xi, particulièrement son célèbre rouleau "Début de printemps", ont fait l'objet de nombreuses expositions prestigieuses. Tout au long du XXe et XXIe siècles, les musées du monde entier ont cherché à promouvoir l'art chinois, incluant des expositions dédiées à la dynastie Song et à ses artistes majeurs. Par exemple, en 2012, le Musée national des arts asiatiques - Guimet à Paris a organisé une exposition intitulée "Rochers de lettrés. Itinéraires de l'art en Chine", qui a mis en lumière l'importance de la peinture de paysage, avec des œuvres de Guo Xi parmi les pièces maîtresses. D'autres expositions notables ont eu lieu dans des institutions telles que le Musée national du palais à Taipei, qui abrite "Début de printemps" dans sa collection. De même, le Freer Gallery of Art à Washington a programmée des événements autour de ses œuvres. Ces expositions contribuent non seulement à préserver son héritage, mais aussi à éduquer le public à l'importance de Guo Xi et à sa contribution fondamentale à l'art chinois. En repoussant les frontières de la peinture de paysage, Guo Xi continue de fasciner artistes et amateurs d'art à travers le monde.