José Luis Gutiérrez Solana

José Luis Gutiérrez Solana naît à Madrid le 28 février 1886 dans une famille d'origine cantabrique. Son père, José Tereso Gutiérrez-Solana, a fait fortune grâce à l'industrie minière au Mexique avant de retourner en Espagne. Solana grandit dans un contexte artistique riche et, dès son jeune âge, s'illustre par son talent. Après avoir étudié à l'Académie royale des Beaux-Arts Saint-Ferdinand, il devient membre actif de la Génération de 98, un mouvement littéraire et culturel qui se préoccupe de l'identité espagnole après la perte des colonies. Sa rencontre avec des figures comme Ramón María del Valle-Inclán et les peintres Darío de Regoyos et Ricardo Baroja façonne sa perspective artistique. Entre 1908 et 1917, il vit à Santander, voyageant à travers l'Espagne et en particulier en Castille, ce qui enrichit son œuvre de références culturelles et visuelles. Malgré des débuts difficiles, il obtient une reconnaissance importante en 1917 avec une médaille à l'Exposition nationale des beaux-arts. Dans les années 1920, il commence à se faire un nom sur la scène artistique internationale grâce à des expositions à Paris, à la Biennale de Venise et à Oslo. Pendant la guerre d'Espagne, il se réfugie d'abord à Valence, puis à Paris. Après le conflit, il retourne en Espagne où il passe ses dernières années entre Santander et Madrid, avant de décéder le 24 juin 1945. Son inhumation se fait au cimetière de La Almudena à Madrid.

L'œuvre de José Luis Gutiérrez Solana est marquée par un expressionnisme sombre et pessimiste, souvent associé au courant de l'Espagne noire, qu'il partage avec Ignacio Zuloaga. Il s'inspire d'une tradition artistique espagnole riche allant du Greco à Goya, en passant par le ténébrisme baroque. Sa peinture présente un regard critique sur les réalités sociales de son époque, mettant en lumière des scènes de la vie quotidienne espagnole souvent marquées par la misère, la mélancolie et l'absurdité. Ses personnages sont souvent dépeints dans des compositions figées, sans dynamisme ni idéalisation, ce qui accentue leur tristesse et leur apathie. Les couleurs de Solana sont généralement sombres, agrémentées de noirs marqués qui donnent une forte impression d'oppression et de gravité. Il explore également des thèmes macabres, comme en témoignent certaines de ses œuvres montrant la mort et des processions, tout en y intégrant des éléments d'ironie grotesque. Solana est également connu pour ses gravures à l'eau-forte qui reflètent fidèlement l'iconographie de ses tableaux. Ses œuvres sont caractérisées par une atmosphère lourde et une lumière artificielle qui renforcent le sentiment de malaise présent dans ses compositions.

L'influence de José Luis Gutiérrez Solana sur l'art espagnol est significative, bien que son œuvre ait été initialement méconnue. Son regard critique sur la société espagnole et son approche artistique unique ont ouvert la voie à d'autres générations d'artistes expressionnistes et réalistes. Ses thèmes sombres et lugubres résonnent encore aujourd'hui dans l'art contemporain, témoignant d'un monde en quête de sens et confronté à des crises existentielles. Il a réussi à capturer l'essence d'une Espagne en proie à la désillusion, ce qui lui a valu une place importante dans le panthéon des artistes espagnols. La Fundación Santander, qui détient la plus grande collection de ses œuvres, a contribué à sa redécouverte. En 2004, le Musée Reina Sofía a organisé une rétrospective qui a permis de réévaluer son importance, affirmant que son travail symbolisait l'impossible modernisation de l'Espagne. Son héritage littéraire, enrichi par ses voyages et ses réflexions sur la culture espagnole, passe aussi par ses ouvrages sur Madrid et l'Espagne, où il conjugue une prose vivante à sa vision artistique, renforçant son image de personnage clé dans l'art et la littérature hispaniques.

Les premières expositions solo de Gutiérrez Solana se sont tenues à Santander en 1921, suivies d'une exposition au Musée d'art moderne de Madrid en 1927. Au cours des années 1930, il participe à des événements notables comme la Biennale de Venise en 1930 et 1932, établissant sa renommée sur la scène internationale. En 1937, lors de l'Exposition universelle de Paris, il exhibe 15 de ses toiles dans le Pavillon espagnol, en compagnie d'œuvres emblématiques comme le 'Guernica' de Pablo Picasso. Son exposition à la galerie Bernheim-Jeune à Paris en 1928, bien qu'accueillie par certaines figures importantes de l'art comme Picasso, ne connaît pas le succès escompté à l'époque. Plus tard, en 1933, une exposition à Oslo accroît sa visibilité, recevant des critiques enthousiastes. La rétrospective du Musée Reina Sofía en 2004 a été un moment clé dans la reconnaissance récente de son œuvre, ainsi que l'exposition permanente à la Fundación Santander, qui continue de présenter ses créations et son univers artistique. D'autres institutions, comme le Musée des Beaux-Arts de Bilbao et le Musée Carmen Thyssen de Málaga, conservent plusieurs de ses tableaux, témoignant de son impact durable dans l'histoire de l'art espagnol.